Après le guide orange sur la maîtrise de la langue française, voici le guide bleu pour les langues, sorti le 12 septembre 2018. La France se distingue encore pour sa médiocrité en langues vivantes alors dans ce guide, on fait état de comparaisons, d’analyses et de conclusions. 71 pages d’analyses qui débouchent sur des recommandations.
Mais avant de parler des recommandations, j’ai retenu :
-que les initiatives de qualité, individuelles et collectives, sont nombreuses
-que l’approche actionnelle a encore de beaux jours devant elle car elle est performante.
-que mettre les élèves en activité est parfois le seul objectif de la classe de langue en oubliant l’enjeu principal qui est l’acquisition d’une connaissance et d’une compétence.
-que si les néerlandais sont si bons en anglais, c’est déjà parce que l’anglais est proche de leur langue et qu’ensuite, ce n’est pas seulement parce qu’ils regardent sans cesse les films et séries en VO car ils ne font pas de doublage, eux. C’est en effet dans tous les aspects de la vie quotidienne et professionnelle que les Néerlandais sont exposés à l’anglais. Alison Edwards, linguiste à l’université de Leiden, a pu dire que l’anglais n’est plus une langue étrangère aux Pays-Bas, dans la mesure où elle est présente « dans la rue, chez votre coiffeur ou dans votre taxi ». De plus, les études supérieures se déroulent majoritairement en anglais dans les universités du pays. Ensuite, c’est lié au traitement de l’erreur. En France, l’erreur est pénalisante systématiquement, au lieu de noter les réussites. C’est aussi lié à l’installation des tables en U ou en îlots pour favoriser les échanges oraux (contre les tables en rang d’oignon face au professeur qui fait son cours magistral … même en langues vivantes ! Je cite le guide « « un cours de langue trop silencieux est un mauvais cours. »
–que les langues vivantes, c’est bon pour le cerveau ! « De nombreuses études internationales tendent par ailleurs à démontrer que l’enfant bilingue ou multilingue développe des savoir-faire et des capacités cognitives particulières et obtient des résultats positifs dans les autres disciplines »
–que les éditeurs sont perdus quant à la place de la grammaire VS les compétences communicationnelles (c’est pourtant très clair dans les nouveaux programmes, je trouve)
-que les jeunes apprenants français ont la plupart du temps manqué de modèles d’adultes parlant une autre langue et que c’est pour cela qu’on est réfractaires par essence
-que les jeunes apprennent mieux lorsque l’apprentissage de la langue est lié à des projets ou à des tâches précises, et pourquoi pas, tant qu’on y est, distrayantes et agréables !
Et enfin, j’ai retenu THE recommandation : Créer un coordonnateur des langues dans les établissements et rapprocher la formation continue des besoins des enseignants. Alors là, moi, je veux bien postuler ! 😛
Les recommandations :
1) Inscrire l’anglais comme langue obligatoire dans le parcours de tous les élèves, en langue vivante 1 ou 2. Oui, l’anglais a une place particulière parmi les langues vivantes étrangères, place liée à son statut de langue d’échanges internationaux, qu’il est nécessaire d’assumer dans l’intérêt des élèves.
2) Augmenter le niveau attendu des élèves en anglais oral à la fin des cycles 3 et 4. Les niveaux attendus dans les programmes actuels sont les mêmes dans toutes les langues et n’établissent pas de priorité entre l’oral et l’écrit. Cette mission propose de fixer un niveau attendu plus élevé dans les activités orales en anglais dans les premiers cycles d’apprentissage, à l’école et au collège, de façon à adapter l’enseignement. La progression proposée, qui ne concernerait que l’anglais, est la suivante : niveau A1 du CECRL dans les cinq activités et A2 dans au moins deux activités orales de compréhension et d’expression en fin de cycle 3. Waou …
3) Intégrer dans le parcours de formation des enseignants du premier degré et de disciplines dites non linguistiques une période de mobilité dans le pays de la langue étudiée.
4) Évaluer les compétences des professeurs des écoles en langue au concours de recrutement, en anglais, allemand et espagnol et italien. Trois scenarii sont envisageables, parmi lesquels un choix pourra être effectué : une épreuve obligatoire d’anglais à l’oral ajoutée aux épreuves actuelles ; une épreuve orale par tirage au sort entre langue et EPS lors de la deuxième épreuve d’admission, ce qui garantirait la préparation en amont par les candidats ; une vérification du niveau de langue par le biais d’une certification externe de moins de trois ans produite pas le candidat.
5) Mettre en place un plan de montée en charge des compétences des professeurs des écoles sur cinq années, en développant notamment le recours aux locuteurs natifs formés à la pédagogie.
6) Mieux guider les enseignants du premier degré en leur indiquant ce qui est attendu des élèves, avec des repères de progression annuels. Construire la continuité école-collège dans le cadre de l’école du socle, faire travailler ensemble les enseignants du premier degré et du collège. Alors là, bon courage. dans mon collège de secteur, le prof d’anglais est réfractaire à tout projet avec le primaire … Je n’ai jamais vu quelqu’un inventer autant d’excuses pour ne pas travailler avec nous (sans parler des remarques rabaissantes).
7) Réhabiliter l’enseignement de la langue : ne plus avoir peur de la grammaire. A force d’avoir insisté sur l’expression orale dans les cours de langues, on a trop oublié de consolider, à la fin de chaque cours, ce que l’on a appris de façon structurée et par écrit.
8) Rompre la solitude du professeur dans la classe : encourager le travail en réseaux ; lever les obstacles aux échanges européens entre enseignants.
9) Impulser les innovations et valoriser les expérimentations qui fonctionnent : écrire des livres et des poèmes, créer des clubs de théâtre, préparer des débats, organiser des concours de chants ou d’improvisation, faire venir dans l’école des spécialistes de sujets scientifiques, techniques, ainsi que des auteurs, à l’instar des nombreuses initiatives existantes qui méritent d’être mieux connues et partagées.
10) Au primaire, commencer tôt, très tôt, le plus tôt possible selon les chercheurs. On le sait, l’oreille phonique se ferme assez vite.
11) Dès le primaire, et particulièrement en anglais, travailler la musicalité, la phonologie et l’accentuation de la langue. Comme pour la grammaire, il ne s’agit pas d’enseigner la phonétique telle quelle. Il faut indiquer aux jeunes français que les voyelles anglaises sont prononcées à valeur pleine.
12) En primaire et au collège, réaménager les horaires pour des séances moins denses mais plus fréquentes : 15 à 20 minutes par jour dans le premier degré. Super, avec mes activités ritualisées de 15mn par jour dans ma méthode d’anglais, en plus des séances complètes, mes élèves ont vraiment progressé. Les 8 CE2 que j’ai gardés au CM1 ont un niveau qui m’étonne : ils n’ont rien oublié ! C’est ce que les spécialistes de didactique nomment la démarche « spiralaire » d’apprentissage, expression illustrant visuellement la progression par retours sur les acquis et franchissement de nouveaux obstacles qui permettent d’élargir connaissances et compétences.
DÉVELOPPER L’ENSEIGNEMENT EN LANGUE À TOUS LES NIVEAUX D’ENSEIGNEMENT, ce qui exige forcément une formation des enseignants. Et développer l’évaluation positive (je n’y reviendrai jamais, là-dessus). Au lieu de sanctionner les erreurs en enlevant des quarts de points partout, ce qui constitue une entrave à l’apprentissage d’une langue, il faut valorisait les réussites.
Sylvie Hanot, Cafipemf généraliste et LVE
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3 Comments
Comment ça se passe pour les langues vivantes étrangères aux USA ?
Moi j’adorerais être coordonnateur pour les LVE !!
Merci beaucoup pour cette analyse. Effectivement notre approche en élémentaire doit et peut changer. Les PE ont sans doute besoin d’aide et des coordinateurs seraient une belle idée.
D’après ma toute petite expérience et en parlant un peu avec des Américains de tous âges, il semble que seules les filières « immersion » sont un véritable succès. Mais les états qui optent pour ce système en primaire se donnent réellement les moyens (embauche de personnel étranger…).
On semble loin de telles ambitions en France alors je crois qu’essayer, si on se sent capable de faire entrer l’anglais ou une autre langue de manière vraiment transversal ( maths, sciences, littérature..) pourrait être une alternative.
En Bretagne, l’apprentissage en bilingue Breton fonctionne bien.
Je rencontre mon inspection la semaine prochaine pour proposer une coordination.